À l’occasion de l’édition 2015 des journées européennes des métiers d’art, une exposition phare intitulée « Mutations » est présentée au musée des Arts décoratifs.
Organisée par l’Institut National des Métiers d’Art (INMA), en partenariat avec le musée des Arts décoratifs, l’exposition est pensée comme un manifeste visant à renouer avec l’histoire respective des deux institutions et celle des métiers d’art. La réalisation des objets d’art contemporains a été rendue possible grâce au soutien de la manufacture Vacheron Constantin qui renoue avec la lignée des grands commanditaires.
À travers une sélection d’objets emblématiques du musée des Arts décoratifs, et autour du Hanap «Les métiers d’art », créé en 1896 par l’orfèvre Lucien Falize, «Mutations » soumet à des collectifs de créateurs (artisans et ateliers d’art, designers, plasticiens), le dessein de revisiter le répertoire des techniques et des matières représentés sur cet objet symbolique. La pierre, la terre, le bois, le verre, le cuir, le papier, le métal et le textile deviennent alors le prétexte à confronter la création de chacun des collectifs à chacun des concepts fondamentaux qui entourent les métiers d’art. De la matière à l’art, le geste, l’usage, la forme, l’ornement, le décor et l’évocation des sens se posent dans cette exposition comme les indéfectibles chapitres des mutations permanentes de l’objet et des métiers d’art. Ces concepts deviennent principes dans un parcours où de salle en salle, chaque objet d’art contemporain, associé à l’objet historique qui l’aura inspiré, témoigne d’une évolution, d’une mutation. Ces espaces y sont devenus de véritables territoires de l’innovation, tel un laboratoire de recherche et d’expérimentation dans lequel une projection de vidéos, retrace la création de l’objet contemporain et souligne l’indéfectible lien entre la pensée et le geste.
« Morphème »
Le siège dit « Confident » et conservé par le département du XIXème siècle du Musée des Arts Décoratifs révèle l’importance qu’il était accordé à la convivialité à la période qui en a vu naître la forme et l’usage. Organisée dans les salons puis plus tard dans les cafés, elle tenait un rôle majeur dans l’échange, l’émergence de mouvements et d’idées. Le confident conçu à cet effet invitait donc à prendre le temps du dialogue, obligeait la pause tout en autorisant la discrétion, voir à prendre la pose tant ce siège original théâtralise la confidence, le secret livré en public.
A l’épreuve d’un siècle empressé, les instants contemporains de convivialité sont toujours plus éphémères. L’intimité est toujours plus contrainte par des espaces publics rétrécis et tantôt préservée ou publiée par des modes d’interactivité sociale et de rencontre privilégiant les outils numériques. L’échange, l’idée et la confidence ont donc vu leur exercice et leur plastique évoluer depuis la création du confident.
« Morphème » est une synthèse de l’évolution des usages et de leur plastique autour du mobilier et de l’échange. Il donne ainsi corps à de nouveaux rituels autour de l’objet et sa forme singulière offre une fonction pourtant assez peu évidente lorsqu’on l’observe : être un support de sociabilité. Entre sculpture et mobilier, mi-animal mi-végétal, ses pieds, courbes et élancés, jeux de contrastes entre légèreté et densité laissent deviner des racines avant que leur nombre ne perturbent sa perception. Au nombre de quatre et supportant une masse creuse comme tachetée de cannage, ils laissent finalement croire à la possibilité d’un animal, d’une simple sculpture chimérique. Pourtant, il s’installe et se démultiplie dans l’espace public pour imaginer une nouvelle typologie de mobilier. La menuiserie en siège structure ses rapports de masse et de légèreté, d’architecture et d’équilibre, sculpte le dialogue organisé autour de cet objet. Objet de dialogue improvisé et debout, il est un support haut sur lequel le corps cherche le repos furtif qu’il pourrait trouver adossé à un mur, en équilibre et appui sur le rebord d’un meuble, d’un comptoir pour une brève conversation. Les deux surfaces réalisées en cannage traditionnel sur sa partie supérieure, son seul ornement, laissent apparaître un espace vide. Cet espace offre la possibilité de garder secrète une correspondance écrite à la seule vue de celui qui se place au-dessus. Le cannage alors d’apparence ornementale prend donc une fonction singulière de frontière visuelle, laquelle se complète du rôle d’indicateur d’usage. Il détermine la zone sur laquelle prendre appui. Autrefois et seulement utilisée pour la légèreté qu’elle conférait au siège et pour sa force ornementale, cette technique est une référence esthétique à l’histoire
et se voit dévolu un usage tout aussi contemporain que celui de « Morphème ».
Robert Jallet, menuisier en sièges
Frédéric Gallin, canneur-rempailleur
Chêne, hêtre, canne de rotin
Design Vaulot&Dyevre
- 117 cm ; l. 42 cm ; L. 95 cm